Joyeux Noël

Aux alentours de la fin de l’année civile, les gens semblent se diviser en deux grands partis, pro ou contre Noël : en réalité, c’est un peu plus compliqué que ça, puisque les raisons pour lesquelles ils se rangent ici ou là sont aussi nombreuses et diverses que, justement, les gens.
Je ne vais pas en faire un catalogue et un classement, malgré mon penchant pour ce genre de choses, nous avons tous entendus les "je n’aime pas Noël mais je le fête pour les enfants", les "j’aime Noël à cause des lumières qui clignotent" et les "j’adore Noël parce que les fêtes en famille, c’est magique", ainsi que son corollaire "je déteste Noël parce que les fêtes en famille, c’est pourri".

De par mes traditions familiales personnelles, qui sont multiples et diverses comme il se doit, on fête Noël. En bons athées qui se respectent, nous avons toujours mangé du poisson la veille de Noël, fait une crèche dont le petit Jésus n’apparaissait que la nuit de Noël, préparé d’énormes sapins de Noël qui se garnissaient de montagnes de paquets, et parfois même, sous mon insistance de petite fille en pleine crise mystique, assisté aux messes de minuit. Bon, ça n’a pas duré, ça, les messes de minuit n’ont rien de magique, c’est bondé, on ne voit rien, on n’entend rien et ça sent mauvais, sans compter qu’il fait froid et que les nombreux enfants présents, fatigués et surexcités, pleurent, crient et se débattent : de quoi décourager une crise mystique sans fondements.

Pourquoi faire tout ça, si justement on ne croit à rien de tout ça ?

Quand mon Kikoolol était un tout petit garçon, à peine en âge de parler, en proie déjà aux doutes les plus fous, il m’a un soir questionné, lors de ce moment magique qu’est le coucher d’un enfant.

— Maman, mais est-ce que le père Noël existe ?

Ha. J’ai hésité un quart de seconde, en repassant à toute vitesse dans ma tête tous les arguments habituels pour ou contre la croyance dans le père Noël, et ce qui m’a décidé, c’est que mes yeux dans les yeux de mon enfant, il était exclu que je lui mente.

— Oui et non. Non, il n’existe pas une personne réelle qui s’appelle papa Noël, et qui distribue des cadeaux à tous les gentils enfants de la Terre. Mais oui, il existe une raison pour laquelle on a créé ce personnage imaginaire, comme tous les personnages imaginaires. Il représente quelque chose, et ce quelque chose, c’est la famille, l’amour que chacun porte aux siens. Ça s’appelle un symbole, et ça permet de concentrer toutes ces émotions pour les exprimer.

Il s’en est suivi une longue conversation sur les religions et l’existence d’Adam et Ève, un débat faisait rage dans la classe de maternelle fréquentée par Kikoolol : avaient-ils existé vraiment, ou alors descendait-on des singes ?

Mais pourquoi alors fêter Noël, rien ne nous empêche, en famille, de nous aimer et de nous le dire à n’importe quel moment ?
En effet. Pourtant, c’est la force des symboles, on peut se dire qu’on s’aime à tout moment, mais voilà, parfois on pose une borne sur le chemin, on a beau savoir que ce qui compte, c’est bien ce qu’elle signifie, on la pose quand même. Si les symboles n’étaient pas importants, alors pourquoi se marier, pourquoi suivre une scolarité sanctionnée par des diplômes, pourquoi s’acheter ces jolies bottes qui mettent en rouge le compte bancaire, pourquoi repeindre les murs du salon en gris souris avec une pointe de parme ?

Qu’on le veuille ou pas, notre vie entière est jalonnée de symboles, qui disent ce que nous sommes, d’où nous venons, où nous allons et à qui nous rendons des comptes. On s’en crée un manteau dont nous nous drapons tous.

Alors même si les réponses à ces questions ne sont pas toujours très claires, je vais fêter Noël en famille, c’est-à-dire ceux qui désirent partager ce symbole avec moi.